Henri Girard
Auteur de romans et de nouvelles

Cette citation extraite des Satires de Juvénal se traduit ainsi : « Un esprit sain dans un corps sain ». On l’utilise pour inciter tout un chacun à cultiver aussi bien ce qui relève du moral que du physique, des études, du travail, de la culture que de l’exercice et de la bonne hygiène corporelle.
Autrement dit : on ne peut vivre avec l’un et sans l’autre.

Juvénal était un poète satirique latin de la fin du 1er siècle et du début du 2ème, qui par ailleurs, ponctuait aussi ses propos de quelques traits d’humour pas piqués des vers. En voici la preuve dans la citation qui suit : Desperanda tibi salva concordia socru ou « La paix des ménages est sans espoir tant que ta belle-mère est en bonne santé », citation que n’aurait pas renié Sacha Guitry et bien d’autres.

Mais revenons à notre prime citation. À l’époque où elle fut écrite, la Rome impériale était devenue une ville tentaculaire que rien ne maîtrisait plus, surtout pas la morale et l’éducation, une vaste scène de théâtre remplie de bouffons et d’aigrefins, tout autant qu’un lupanar sans foi ni loi.
Pour les Latins chez qui il subsistait une once d’honnêteté, de goût pour le beau, le vrai, d’attrait pour la vérité, la vertu et la bonté, il ne restait comme solution que de prendre ses jambes à son cou pour fuir la médiocrité, ou de faire allégeance à celle-ci en se prosternant devant les arrivistes sans vergogne, qu’ils soient grands ou petits, maquereaux de haut rang ou gigolos de basse extraction.
À moins, comme le fit Juvénal, de les dénoncer et de hurler de rire à leur contact, ce qui dénote une réjouissante propension à la provocation et au politiquement non correct ; mais aussi, plus sérieusement, de préconiser quelques valeurs simplissimes comme celle de l’ambition du corps et de l’esprit à s’élever tous deux en harmonie.
Période terminée ? Époque irrémédiablement révolue ? Mutatis mutandis, comme l’eût affirmé notre Juvénal (c’est-à-dire « une fois effectués les transpositions – ici temporelles et de civilisation -, nécessaires ») : nous n’en sommes pas si sûr… car Le Grand air de la bêtise, tel celui que chantait Jacques Brel, s’il sommeille parfois, n’en a probablement pas fini de résonner.
Alors soyons donc vigilants. Pour nous-mêmes et pour nos enfants. Veillons à notre intégrité physique et intellectuelle, à la force de nos muscles et à celles de nos synapses et neurones. Ne nous laissons pas berner par les bonimenteurs de tout poil qui nous inoculent de la nourriture pour bestiaux abrutis.
Cultivons-nous corps et âme  afin de garder grâce, élégance et allant, sur un chemin souvent pavé d’imperfections et dépourvu d’ambition et de foi en l’homme.