À Cyrano, qui sait écrire aussi bien qu’il sait se battre, on vient de proposer de devenir le poète attitré d’un important personnage. Mais il refuse, sachant que ce maître s’autorisera à faire modifier chaque écrit qui ne lui conviendra pas. Son refus insultant fait fuir les » messieurs » et inquiète ses amis.
CYRANO, saluant d’un air goguenard ceux qui sortent sans oser le saluer
Messieurs… Messieurs… Messieurs…
LE BRET, désolé, redescendant, les bras au ciel
Ah ! dans quels jolis draps…
CYRANO
Oh ! toi ! tu vas grogner !
LE BRET
Enfin, tu conviendras
Qu’assassiner toujours la chance passagère,
Devient exagéré.
CYRANO
Eh bien oui, j’exagère !
LE BRET, triomphant
Ah !
CYRANO
Mais pour le principe, et pour l’exemple aussi,
Je trouve qu’il est bon d’exagérer ainsi.
LE BRET
Si tu laissais un peu ton âme mousquetaire,
La fortune et la gloire…
CYRANO
Et que faudrait-il faire ?
Chercher un protecteur puissant, prendre un patron,
Et comme un lierre obscur qui circonvient un tronc
Et s’en fait un tuteur en lui léchant l’écorce,
Grimper par ruse au lieu de s’élever par force ?
Non, merci ! Dédier, comme tous ils le font,
Des vers aux financiers ? se changer en bouffon
Dans l’espoir vil de voir, aux lèvres d’un ministre,
Naître un sourire, enfin, qui ne soit pas sinistre ?
Non, merci ! Déjeuner, chaque jour, d’un crapaud ?
Avoir un ventre usé par la marche ? une peau
Qui plus vite, à l’endroit des genoux, devient sale ?
Exécuter des tours de souplesse dorsale ?…
Non, merci ! D’une main flatter la chèvre au cou
Cependant que, de l’autre, on arrose le chou,
Et donneur de séné par désir de rhubarbe,
Avoir son encensoir, toujours, dans quelque barbe ?
Non, merci ! Se pousser de giron en giron,
Devenir un petit grand homme dans un rond,
Et naviguer, avec des madrigaux pour rames,
Et dans ses voiles des soupirs de vieilles dames ?
Non, merci ! Chez le bon éditeur de Sercy
Faire éditer ses vers en payant ? Non, merci !
S’aller faire nommer pape par les conciles
Que dans des cabarets tiennent des imbéciles ?
Non, merci ! Travailler à se construire un nom
Sur un sonnet, au lieu d’en faire d’autres ? Non,
Merci ! Ne découvrir du talent qu’aux mazettes ?
Être terrorisé par de vagues gazettes,
Et se dire sans cesse : « Oh ! pourvu que je sois
Dans les petits papiers du Mercure François » ?…
Non, merci ! Calculer, avoir peur, être blême,
Préférer faire une visite qu’un poème,
Rédiger des placets, se faire présenter ?
Non, merci ! non, merci ! non, merci ! Mais… chanter,
Rêver, rire, passer, être seul, être libre,
Avoir l’œil qui regarde bien, la voix qui vibre,
Mettre, quand il vous plaît, son feutre de travers,
Pour un oui, pour un non, se battre, – ou faire un vers !
Travailler sans souci de gloire ou de fortune,
À tel voyage, auquel on pense, dans la lune !
N’écrire jamais rien qui de soi ne sortît,
Et modeste d’ailleurs, se dire : mon petit,
Sois satisfait des fleurs, des fruits, même des feuilles,
Si c’est dans ton jardin à toi que tu les cueilles !
Puis, s’il advient d’un peu triompher, par hasard,
Ne pas être obligé d’en rien rendre à César,
Vis-à-vis de soi-même en garder le mérite,
Bref, dédaignant d’être le lierre parasite,
Lors même qu’on n’est pas le chêne ou le tilleul,
Ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul !
LE BRET
Tout seul, soit ! mais non pas contre tous ! Comment diable
As-tu donc contracté la manie effroyable
De te faire toujours, partout, des ennemis ?
CYRANO
A force de vous voir vous faire des amis,
Et rire à ces amis dont vous avez des foules,
D’une bouche empruntée au derrière des poules !
J’aime raréfier sur mes pas les saluts,
Et m’écrie avec joie : un ennemi de plus !
LE BRET
Quelle aberration !
CYRANO
Eh bien ! oui, c’est mon vice.
Déplaire est mon plaisir. J’aime qu’on me haïsse.
Ah cette tirade me met en forme chaque fois que je la lis ! « Ne pas monter bien haut peut être mais tout seul !!!! »
elle correspond bien, à ce qu’a été ma vie, je suis pas monté bien haut , peut mais tout seul et bien des pretentieux qui a l’aurore de leur vie , me méprisaient de leur siffisance, aujourd’hui, s’inclinent devant ma reussite, et sont circonvenants.
Oui chanter , rêver, rire, être seul, être livre…la voix est libre…..
Liberté!!!
Quels beaux vers.
Mais rien de tel, vous en conviendrez, que le réponse finale de Le Bret sans laquelle il ne seraient qu’une belle fanfaronnade !
« Fais tout haut l’orgueilleux et l’amer, mais tout bas, Dis-moi tout simplement qu’elle ne t’aime pas ! »
Et Cyrano de répondre à Lebret, vivement : « Tais-toi ! »
Ne pas monté trop haut humilité
quel souffle, quel talent. une leçon que bien des hommes doivent apprendre;
Apprendre est un propre de l’être humain
Et je relirai cela , tôt de bon matin
Ah, cette tirade fameuse, signet majeur de mon adolescence lointaine !
Elle cause, l’appliquant, des déboires socioprofessionnels, certes, mais que sont-ils, ces dits déboires, sinon la croissance de soi quand on n’a pas manqué de s’éperonner de cet acte de foi ?
Ah, Cyrano, Cyrano, Cyrano !
Quel bel éloge !
Oui parfaitement d’accord, cela ne nous mène pas toujours sur des chemins faciles, mais la pomme que l’on y cueille est tellement savoureuse
Je trouve cette tirade juste magnifique , un monument du théâtre !!!! Merci Edmond rostand !!!!!
Oui, absolument. C’est superbe !
Cette tirade est elle marrante ou triste? Expliquez moi s’il vous plait
De mon point de vue, ni l’une ni l’autre. Il s’agit simplement d’un choix que fait Cyrano, celui de rester lui-même et de se contenter de sa condition, belle et suffisante à ses yeux. Pas de flatterie, pas de compromis, pas de quête d’éloge, ne rien devoir qu’à soi-même.
J AIME
Moi également. C’est un très beau texte.
Vous le savez peut-être, ou peut-être pas : la première traduction du Cyrano en allemand était fait par un génie. Il n’a pas seulement pu garder la forme en hexamètre mais crée a sa manière une représentation quasi-authentique du contenu de chaque vers !
Je suis très heureux de pouvoir lire le Cyrano en français, aujourd’hui et surtout ce magnifique monologue ! Mais pratiquement rien est perdu dans la traduction ce qui m’est encore aussi incroyable aujourd’hui que autrefois.
Merci de toute façon pour cette page.
Que voilà une bonne nouvelle ! Comme quoi, il existe d’excellents traducteurs, tâche ô combien délicate.
C pas un monologue
Vous voulez dire : « Ce n’est pas un monologue ? »
Cyrano n’eût pas apprécié le langage SMS…
Bravo, ce langage sms laisse peu de place à l’émotion et aux nuances si délicates de la langue française.
qu’elle belle élévation de l ‘être humain que de connaître et apprécier cette tirade que je viens de découvrir par le biais
d’un acteur Québecois.
L’apprendre par coeur sera mon prochain défi.
Oui, cette tirade est un pur chef d’oeuvre que tout comédien doit rêver de déclamer. Gérard Depardieu, dans le Cyrano de Jean-Paul Rappeneau, y excelle !
Visionnez aussi l’interprétation de Philippe Torreton: très très bonne!
Excellente, en effet !
je ne comprend pas a quoi cyrano dit il » non merci «
Bonjour,
Dans cette tirade, Cyrano évoque et dénonce certains comportements serviles, de soumission aux autres qu’il se refuse à avoir et les refuse par ses « non merci » :
« Chercher un protecteur puissant, prendre un patron,
Et comme un lierre obscur qui circonvient un tronc
Et s’en fait un tuteur en lui léchant l’écorce,
Grimper par ruse au lieu de s’élever par force ?
Non, merci! Dédier, comme tous ils le font,
Des vers aux financiers ? se changer en bouffon
Dans l’espoir vil de voir, aux lèvres d’un ministre,
Naître un sourire, enfin, qui ne soit pas sinistre ?
Non, merci ! Déjeuner, chaque jour, d’un crapaud ?
Avoir un ventre usé par la marche ? une peau
Qui plus vite, à l’endroit des genoux, devient sale ?
Exécuter des tours de souplesse dorsale ?…
Non, merci !
Et, à la fin, il affirme, sa liberté, la liberté de se faire tout seul :
« Bref, dédaignant d’être le lierre parasite,
Lors même qu’on n’est pas le chêne ou le tilleul,
Ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul ! »
Avez vous des liens où je puis me procurer l’œuvre ?
Si je vous rejoins dans cette admiration pour l’oeuvre, le personnage et le puissant optimisme de cette pièce, je ne partage pas votre point de vue sur G. Depardieu. Il n’a manifestement pas compris le personnage et « fait du Depardieu ». Je lui préfère de beaucoup la délicatesse et la légèreté de Sorano ou de Weber qui ont compris (eux) que Cyrano n’est pas le roc solide et batailleur que tente de jouer Depardieu, mais bien un personnage tout en souffrance refoulée, en tristesse cachée, en humour forcé (la politesse du désespoir), en auto-dérision (Rostand était un grand anxieux/dépressif), et qui fait que l’on peut avoir du panache lorsqu’on a tout raté (« même sa mort ! »).
Je respecte bien sûr votre opinion, mais je pense que Depardieu faisait moins du « Depardieu » dans Cyrano qu’aujourd’hui. Et puis le rendu au cinéma n’est pas du tout le même qu’au théâtre… évidemment (là, j’ai l’impression d’avoir découvert l’eau tiède !).
Maintenant, Sorano : ah que oui ! Weber : ah que oui !
Cyrano de Bergerac
Un livre à lire , c’est magnifique
Oh que oui ! A déguster sans modération !
LAURAUX-ESQUIER
depuis le collège où je l’ai apprise, cette tirade m’a toujours émue ; comme elle est belle ! Depardieu n’a rien compris à la pièce
et quand on a vu Daniel SORANO au TNP ou Jacques WEBER on ne voit pas l’œuvre du même œil. Merci à ces 2 « comédiens.
Le livret est sur ma table de chevet.
J’en ai les larmes aux yeux chaque fois que je lis cette tirade.
Comme je vous comprends. C’est magnifique !
Cyrano de Bergerac est mon livre préféré ! Je l’ai déjà lu plusieurs fois et je compte bien le relire.
Ce qui est dommage quand un artiste n’a pas un souci très pressant de la gloire, c’est qu’il n’a de ce fait que très peu de chances de se faire connaître du grand public – et l’humanité rate quelque chose de grand. Je connais un chanteur-poète, Peter Hammill, qui a refusé de se soumettre à la musique qui se vend bien, ses albums peuvent même être au premier abord repoussants, mais quand on les écoute plusieurs fois, on se rend compte qu’ils sont magnifiques (personnellement, je suis soufflé à chaque fois que j’écoute « The Silent Corner And The Empty Stage » (publié le 8 février 1974)). Pour pouvoir être complètement libre, et débarrassé des producteurs, il a même créé son propre label et la plupart des albums qu’il sort depuis, sont paraît-il, des « suicides commerciaux ». Du coup sa musique est authentique – mais j’ai peur que si les personnes qui ont la chance de le connaître ne se mobilisent pas pour répandre son nom, tous ses poèmes seront oubliés.
Croire davantage en soi, en son art, qu’en la gloire, n’est pas blâmable.
Cela dit, je découvre Peter Hammill et vous en remercie.
Je viens de recevoir cette tirade d’un jeune photographe kurde, qui a la même ambition que Cyrano et le même goût pour la liberté !
Il s’agit donc bien d’une oeuvre magnifique et à la résonance universelle !
Depuis que tout petit j’ai lu sur le tableau,
Ce vers d’Émond Rostand extrait de Cyrano :
Ne pas monter bien haut peut être mais tout seul.
Cette phrase à guidé ma vie, jusqu’à mon linceul !
ah, voileux, on y était presque :
Depuis que tout petit j’ai lu sur le tableau,
Ce vers d’Edmond Rostand extrait de Cyrano :
« Ne pas monter bien haut peut-être mais tout seul »
Il a guidé ma vie, et jusqu’à mon linceul !
amicalement
(c’est toi, Daniel ?)
À cette conclusion j’arrive bien souvent,
Quand les difficultés me lestent les sabots,
Quand je me sens petit aux pieds des monuments,
Ne comptant que sur moi, je prends mon escabeau…
A chacun sa façon personnelle de s’élever. C’est fort bien troussé.
Depuis que tout petit, j’ai lu sur le tableau
Ce ver d’Edmond Rostand extrait de Cyrano :
« Ne pas monter bien haut, peut être, mais tout seul »
Cette phrase a guidé ma vie, jusqu’à mon linceul !
Que voilà une belle devise !
Tout seul soit, mais pas contre tous !
C’est raisonnable !
Est ce que vous pouvez me faire une tirade d’un caractère doux et gentille en prenant l’exemple de la tirade des »Non,merci! » ?
Quel défi ! Hélas, je n’ai pas le talent pour ce faire. Et je le regrette !
Cyrano représente bien la mentalité française. Cet espèce de perdant magnifique où seul compte le panache, l’honneur et d’autres qualités issues d’un autre temps. Personnellement, j’adore et ça me fait du bien de voir que je ne suis pas le seul à penser comme ça en vous lisant Mais qu’il est difficile de rester un Jedi par les temps qui courent.
Ne soyons pas trop pessimistes. Je suis sûr qu’il existe plein de « petits Cyrano » ! En tout cas je veux y croire.
Dans l’apprentissage jubilatoire de cette merveilleuse tirade (il y aussi celle du nez) la répétition du « non merçi! » est extrêmement perturbante et en constitue l’obstacle majeur tout en en étant la pierre angulaire. Excellent exercice de mémoire. Notez que dans le film Depardieu saute notamment le vers savoureux: « s’aller faire nommer pape par les conciles que dans des cabarets tiennet des imbéciles »…que faut-il en penser?
Je vais vous faire un aveu. J’ignorais cette omission. Dommage, ces deux vers sont effectivement savoureux.
Ce que j’apprécie dans la manière de dire de Depardieu, ce sont les nuances de ses « non, merci ! ». Pas un ne ressemble à un autre. Vous me direz que c’est normal pour un comédien. Mais à ce point, c’est remarquable.
Le talent se fait toujours une place fut-elle intime ; croyez-vous au bonheur de livrer vos œuvres à la dîme? De vers en verre finit souvent le poète ; vers quelle gloire bien trop surfaite. Amenez vos envies d’écrire de jouer, de composer, buvez et riez de la même lie.
Je ne sais pas si c’est Cyrano que j’aime ou Edmond Rostand ? Mais je ne peux pas les dissocier ? J’ai tellement lu cet œuvre que lorsque je l’entends c’est toujours le même émoi.
J’ai à peu près le même sentiment pour Ruy Blas…
Je suis parti de rien je suis arrivé nulle part je n’ai de merci à dire à personne
Pierre Dac a-t-il pensé à Cyrano en écrivant cette phrase.
De tout en bas en ramant très fort j’ai fini commandant de bord instructeur à Air France
Quand même un merci un monsieur Landel mon prof de maths á l’armée de l’air
Et à tous les instructeurs d’Air France qui m’ont formé.
Merci merci merci
87 ans je pleure à la mort de Cyrano : Roxane,: la lettre comme vous la lisez
cette lettre
Cyrano: je me bats je me bats je me bats
Magnifique
Merci pour votre superbe commentaire ! Tellement émouvant !
Bonjour,
De mon point de vue, Cyrano refuse de rentrer dans « le moule » de ceux qui abandonnent leur personnalité pour quelque profit. D’ailleurs on peut le lire dans la tirade du « non merci ».
Il est farouche, libre, il hait « les moutons ». Et, emporté par sa fougue, force-t-il un un peu le trait dans cette réplique.
Bonjour , j’aimerai savoir que nous apprend ce vers sur le caractère de Cyrano: « Déplaire est mon plaisir , j’aime qu’on me haïsse »
Dans une période où le jugement de l’autre sur les réseaux sociaux fait force de loi, où tout un chacun peut faire connaitre son opinion dans le confort de son fauteuil et où dans un cas comme dans l’autre les sentences énoncées sont rarement favorables, je comprends que ceux qui agissent ou veulent agir puisse accepter de déplaire et d’être haïs …
Difficile de parler de visionnaire, tant ce qui se passe pouvait être inattendu aux yeux d’Edmond Rostand ; à l’époque il suggérait seulement à quel point on pouvait souhaiter être « dans les petits papiers du Mercure François ».
Je crains que cette tirade ne soit qu’une rodomontade d’un homme désespéré.
Il faudrait la prolonger de la réponse de Le Bret qui la suit un peu plus loin :
« Fait tout haut l’orgueilleux et l’amer, mais tout bas,
Dis-moi tout simplement qu’elle ne t’aime pas »
C’est tout le sel de l’oeuvre qui est là, dans ce paradoxe porté par Cyrano et qui nous le rend si proche : transformer nos échecs personnels en une histoire que par pudeur nous rendons publiable.
Si Cyrano n’avait pas eu un coeur brisé , aurait-il eu le courage et la fougue de s’aimer lui à défaut d’être aimé pour ce qu’il n’est pas ? Non.
Son amour pour Roxane est fidèle car il est avant tout fidèle à lui-même.
C’est un échec d’être soi-même ?
Je préfère être une ratee aux yeux de cette société de malades mentaux. Une réussite est de faire et d’être ce qu on est sans se corrompre aux attentes d’autrui. Être soi c’est être beau.
Rien de plus fade que des pots posés côte à côte de la même couleur sans aucun contenu qui puisse élever une âme .
Je préfère la
Personnalité forte qui dérange à la personnalité lisse que tout le monde apprécie mais que personne n aime car plaire à tous c’est ne plaire à personne.
Être soi est un combat de chaque instant . Suis je juste ? Suis je moi? Suis je dans le vrai ? Etudier, évoluer, apprendre, être humble , se battre pour ce qui est grave et se taire pour le futile ,., oser déranger oser déplaire c’est ce que j’aime chez Cyrano .
Se poser sans cesse cette question : avant de partir je voudrais m’être vu tel que je suis sans influence aucune et avoir appris autant que d’avoir marqué les esprits.
Cyrano est depuis mon enfance mon livre préféré et je rêve d’en rencontrer un .
Peut être en croise-t-on sans les reconnaître ?
Bonjour Bérangère,
D’abord pour répondre à votre question finale, non on ne croise pas dans la vie de héros de romans …
Passée cette remarque initiale décevante j’en conviens on peut essayer d’y ressembler, ce que vous semblez faire et se réaliser ainsi, loin dans le cas de Cyrano de la conformité de la société dans laquelle on nous plonge.
Pourtant, je ne partage pas l’ensemble de vos opinions à propos de Cyrano. Je vais être sexiste mais pas misogyne, il se trouve que je suis un homme et je perçois cette oeuvre comme un amour impossible et inavoué. Bien sûr le héros est flamboyant et le garçon que j’étais voulait lui ressembler, mais l’homme que je suis devenu le voit plus maintenant comme un clown triste qui bien sûr amuse le public mais vit en réalité un drame intérieur, acceptant même le palliatif d’un amour accompli par un autre. Brel plus récemment l’a exprimé en réclamant devenir « l’ombre de ton chien » …
J’ai bien peur que ce type de Cyrano, vous ayez déjà pu en croiser.
Cette tirade, j en ai fait ma façon de vivre et de manager mon entreprise se une telle réussite que j ai été convoité par un groupe à qui je me suis fait un plaisir de la réciter
Cyrano est universel ! Bravo pour cette initiative !
« Ne pas monter bien haut peut-être mais tout seul » (v.1015) le sens de cette déclaration se traduit comment pour vous ?
Je pense que Cyrano n’accepte de s’élever, en tant que poète, que par l’entremise de sa propre personne, de sa seule personnalité, sans rien devoir à quiconque, sans avoir à quêter ou payer sa gloire, qui pour lui serait fausse parce qu’extorquée par vice. Sans doute est-il un brin cabot !
bonjour suite au commentaire de lucie Partagez-vous cet idéal d’indépendance et d’orgueil ?
Pour moi, l’interprétation de référence demeure celle de Jean Piat à la Comédie Française, bouleversant d’humanité en faisant sentir derrière le ton bravache toutes les fêlures du coeur de Cyrano.
S’il avait cru en son étoile et déclaré son amour, il aurait peut-être conquis Roxane malgré son apparente superficialité et la futilité de ses préoccupations.
D’ailleurs, il l’a séduite par ses lettres sans le savoir!
Pour les autres interprétations, je ne pardonne pas à M. Jean-Claude Carrière (paix à ses cendres) d’avoir osé ré-écrire plusieurs vers soit disant pour rendre la pièce plus compréhensible. Quelle prétention! Il pensait écrire mieux que Rostand? Quel mépris pour la sensibilité du public! Les vers de Cyrano ont leur musique propre qui suscitent spontanément une immense émotion.
Si , d’ailleurs, M. Carrière s’était donné la peine de lire le deuxième acte jusqu’au bout, il aurait eu par avance la réponse de Rostand à son horrible sacrilège : Impossible, Monsieur, mon sang se coagule, en pensant qu’on y peut changer une virgule!