Vous dites brainstorming, vous pouvez dire remue-méninges !
En septembre, le ministère de la Culture et de la Communication (Délégation générale à la langue française et aux langues de France) a créé le site « Wiki Langue française » pour «donner accès à un vocabulaire français clair et précis» et «améliorer la compréhension des réalités contemporaines», indique-t-il dans un communiqué précisant que «la diffusion de la langue française dans le monde dépend aussi largement de sa capacité à désigner ces réalités.»
Les internautes sont invités à participer à l’amélioration de la langue en se connectant sur le site www.wikilf.culture.fr et en proposant de nouveaux termes à employer dans la langue française, des traductions pour des termes étrangers, en premier lieu anglais, ou encore en donnant son avis sur des termes examinés par des experts des commissions de terminologie (www.franceterme.fr). Ces termes appartiennent à des domaines spécialisés (audiovisuel, environnement, technologies numériques…) mais sont utilisés couramment.
Voilà une bonne nouvelle, non ? On verra bien ce que l’usage en fera, si la réponse sera à la hauteur de la question posée.
L’intérêt de cette initiative réside dans le fait qu’elle offre des opportunités de participation à la sauvegarde de la langue française, non pas seulement à des groupes ou associations constitués, j’allais dire institutionnels, mais, un peu à l’image de ce concept parfois confus de « démocratie participative », au vulgum pecus, aux individuels, aux concernés, qui peuvent s’exprimer depuis leur ville, leur village, leur bureau, grâce à Internet dont il faut bien convenir qu’il s’affirme, pour tout type de combat, pour quelque cause que ce soit, comme un outil, un moyen complémentaire incontournable qu’il serait maladroit de négliger.
La modernité technique n’est pas la panacée, loin s’en faut. Mais, parce que nul propos n’est tabou, laissez-moi faire référence aux réseaux sociaux souvent vilipendés, et à ce que j’en ai lu.
Laurent Dupin, sur le site Vidéo-blog (nous préférerions « cybercarnet » !) écrit qu’un responsable RH, tôt converti à la culture technologique et internet, qui ne lui a jamais fait peur, parle ainsi des réseaux sociaux : “Je leur dit merci, car ils forcent à repenser à l’écriture. Je le vois aussi avec mes enfants. Pour être un bon influent sur le web, il faut savoir écrire et se faire comprendre“. Les professeurs de français vont sans doute apprécier, eux qui se plaignaient ces dernières années, des ravages de la langue techno-SMS-anglicisée… Un début de correctif ?
Pour Laurent Mauriac, Directeur général de Rue 89, « Il s’agit tout simplement d’un retour aux fondamentaux de l’écriture journalistique, qu’on enseigne dans les écoles et formations de référence : faire court, savoir accrocher le lecteur dès le début, etc. Ou comment passer d’écrire pour être lu” à “écrire pour être influent”! »
En effet, on peut penser (ou rêver) que la pratique zélée des réseaux sociaux en ligne, force à repenser à l’écriture et à s’appliquer à la rendre meilleure. Et l’orthographe là-dedans ? « Il faut savoir la maîtriser, si l’on ne veut pas rebuter les personnes pour qui une faute est rédhibitoire », commente Fabrice Epelboin, éditeur.
En tant que professionnel, le responsable RH a noté aussi que “ces réseaux (lui) ont réappris le pragmatisme. Car quand on ne dispose que de peu de signes pour exprimer une idée, il faut aller à l’essentiel!“. Clair et précis, savoir être synthétique.
Serais-je en train de faire l’apologie d’Internet et des réseaux sociaux ? Certainement pas. J’en mesure encore bien les défauts et les limites. Cependant, nul ne me retirera de l’idée que ce qui compte c’est la fin, et qu’elle justifie les moyens.
Et, dans mon for intérieur, je me réjouis que les problèmes et questions du maniement de la langue française trouvent place partout, sans exclusive ni a priori.
Parler, où que ce soit, d’un sujet qui nous tient à cœur, est réconfortant.
Qui plus est, la technologie est l’outil de la jeunesse et, lorsque nous ne serons plus là, c’est elle qui devra prendre le relais de nos causes. Et elle ne le fera que si on lui accorde sans maugréer le « droit » de le faire à sa façon !
Henri Girard
Ainsi l’internaute serait invité à participer à une entreprise de défense de notre belle langue ? Mais à quoi sert donc notre bonne vieille Académie Française ? 😉
Certes, je trouve l’initiative louable. Reste à savoir quelle sera son utilité réelle et quel usage sera fait des propositions qu’elle pourra reccueillir. Je suis, s’agissant de ce dernier point, des plus sceptiques : à mon sens, l’introduction massive de termes ou d’expressions américains dans notre langue procède tout à la fois d’une sorte de snobisme sur fond de technophilie, d’une stratégie d’hégémonie culturelle et commerciale, d’une paresse mentale ou d’un manque d’imagination avérés, d’une sorte de fatalisme démissionnaire plus que largement partagée, etc.
Il faut reconnaître à l’Anglais une qualité indéniable, s’agissant du jargon technique et, en particulier, informatique : sa concision. Ainsi, lorsque je lis sur le site Wikilf… que l’on propose de remplacer cloud computing par informatique dans les nuages, cela me fait sourire. Il s’agit-là d’une traduction littérale de l’expression d’origine. Laquelle expression est en soi trompeuse : l’informatique n’est pas dans les nuages : elle a bel et bien les pieds sur terre ! Tout comme l’ont les inventeurs de ce concept fumeux consistant à centraliser chez quelques prestataires ( et toujours les mêmes mastodontes, bien sûr ! ) aussi bien les données que les outils de traitement de celles-ci. (Notons en passant que l’on continue, là, de dévoyer la philosopie première du WEB consistant à permettre un maillage des données et des outils de chacun et non pas d’aboutir à la concentration progressive, au profit d’un petit nombre, des ressources et outils de communication.) Bref, le cloud computing est tout sauf une entreprise de doux rêveurs et ceux qui pensent, ou croient, le contraire on certainement le cerveau dans la brume. Pardon : les nuages…
Commentaire (qui n’engage que votre serviteur), après plusieurs visites sur le site « WikilF » : bof !
Disons-le simplement, sans méchanceté aucune : la teneur des échanges me semble être assez affligeante, dans la plupart des cas.