Henri Girard
Auteur de romans et de nouvelles

Quand nous disons vouloir défendre la langue française, c’est aussi, bien entendu, défendre toutes les langues nationales, c’est lutter contre la montée d’une langue unique, en l’occurrence l’anglo-américain. Nous voulons que l’Humanité soit riche de toutes ses langues.
Dans son ouvrage Combats pour le français, Claude Hagège, professeur au Collège de France, cite l’écrivain britannique T.B. Macaulay qui, en 1835, assignait à la colonisation de l’Inde la mission de former « une classe d’individus indiens de sang et de couleur, mais anglais par leurs goûts, leurs opinions, leurs valeurs et leur intellect ».
Un peu moins de deux siècles plus tard, nous précise Bernard Cassen qui fut directeur général du Monde diplomatique, l’entreprise de colonisation des esprits, des « élites », est devenue planétaire.
La langue anglaise (ou l’anglo-américain) constitue une redoutable arme de destruction massive de nos systèmes sociaux, de nos valeurs sociétales.
Les États-Unis, promoteurs et premiers bénéficiaires de la mondialisation néolibérale, en profitent d’ailleurs encore plus que le Royaume-Uni.
Claude Hagège montre bien la solidarité naturelle qui depuis l’économiste écossais Adam Smith (1723-1790) et son collègue britannique Davis Ricardo (1772-1823) « unit l’idéologie libre-échangiste et la langue anglaise ».
Il faut donc lutter résolument contre la volonté d’hégémonie de la langue anglaise et le travail de sape que réalise le globish à tout-va au sein des langues nationales.
Comment nos concitoyens qui se déclarent attachés majoritairement (80 % !) à notre langue peuvent-ils ne pas se fâcher lorsqu’ils subissent tous les jours, partout, cette gangrène qu’est le globish, cette pollution rampante censée faire moderne ? Pire, comment peuvent-ils s’en faire les complices en se laissant aller eux-mêmes, par facilité, par paresse intellectuelle, à cette mode beaucoup plus organisée, manipulée qu’on croit. Dans ce genre de situation, la tolérance n’est plus une qualité, c’est une erreur, une imprudence, peut-être une lâcheté.

Combat pour le français, de Claude Hagège, Édition Odile Jacob