Henri Girard
Auteur de romans et de nouvelles

Dans le silence pur d’une nuit paysanne
J’ai verdi de bonheur et vibré d’espérance
Alors qu’en déversant un trop-plein de tisane
J’humectais le trottoir pour m’alléger la panse.
Le jet était prospère et mes pensées profondes
Tous deux aussi parfaits que mon soulagement.
Mon intime fontaine se transformait en onde ;
La poésie du geste émut mon subconscient.
J’urinais pour mon compte, peinard, en égoïste,
Atteignant le zénith d’un plaisir organique.
J’étais le musicien virtuose, l’artiste
Pissant allegretto d’un rythme symphonique.
Je ne me sentais plus, chatouillé par l’extase
Des arabesques folles toujours recommencées
Que de mes onze doigts parfaitement en phase
J’exécutais serein du bord de la chaussée.
J’étais moi et un autre, tout seul et des milliers ;
Peu à peu me venait l’idée que ma miction
Symbolisait un fait tout autant singulier
Qu’universellement pratiqué à foison.
Voilà ! j’y suis ! j’y viens ! Comme tout un chacun,
Je pissais comme pisse un mendiant, un notaire,
Un Papou, un Inuit ou un Nord-coréen,
Dans la fraternité d’une envie séculaire.
Nous pissons tous pareils aux quatre coins du monde
Telle est l’égalité de tout le genre humain.
Niant les différends, nous ferons une ronde
En nous tenant serrés autre chos’ que la main.